Le scandale du camping en Suisse

Pour moi, le camping sauvage est un art. La visite de ce site en est la meilleure preuve.

En Suisse, les interdictions pleuvent pour le camping sauvage (site du TCS). Elles sont beaucoup plus souples et floues pour les aires de repos et les parkings. En bref, je n’ai trouvé aucun canton où les lois sont plus restrictives pour les camping-cars que pour les campeurs.

J’ai déjà campé sur des parkings. Le sol est trop dur pour que ce soit agréable et, en plus, c’est interdit : de ce que je sais, une tente ne peut pas être parquée. Ce fut le comble quand les occupants d’un camping-car espagnol m’ont fait remarquer que je pourrais avoir des ennuis avec la police suisse si je campais sur un terrain de pique-nique à côté duquel ils stationnaient impunément.

Evidemment, rien ne prouve qu’un camping-car soit autorisé. S’ils pensaient être en droit de s’installer là pour la nuit, c’est parce qu’ils avaient une app. Chaque utilisateur peut indiquer son emplacement sur une carte interactive pour permettre aux suivants d’en profiter. Quid du bonheur de découvrir tout seul un lieu magnifique et de faire son propre voyage avec ses défauts, certes, mais unique. J’avais rencontré des cyclistes au Tadjikistan. À entendre la description de leurs campings, j’ai vite compris que je n’avais rien perdu.

Ces camping-cars ressemblent parfois à une invasion de sauterelles, tellement ils se sont multipliés ces dernières années. À la vue de leur augmentation conséquente, les interdictions vont certainement s’accroitre. Ces restrictions dérangeront aussi les campeurs comme moi.

Que l’on se comprenne bien. Je n’ai rien contre les camping-cars. J’encouragerais même plusieurs personnes à en acquérir. Je pense simplement qu’ils ne sont pas comparables à ce que je fais et que mon empreinte écologique est infiniment inférieure. Du coup, quand, je découvre un parking prévu expressément pour les camping-cars et, dans le même temps, une interdiction de tout camping sauvage, je m’interroge.

Pour résumer, je produis moins de CO2, suis moins encombrant et vis plus proche de la nature, mais la législation me met plus de bâtons dans les roues.

Les lois sont souvent très restrictives en Europe de l’Ouest en ce qui concerne le camping sauvage. La dictatoriale Russie, quant à elle, autorise le camping…

En Suisse, des dispositions cantonales et communales rendent le camping sauvage rarement licite avec une exception de taille « dormir une nuit (pas en groupe) en montagne, au-delà de la limite des forêts (pour plusieurs nuits, démonter la tente chaque jour) » (site du TCS).

J’aime bien les dispositions d’Argovie, l’un des cantons les plus souples en la matière avec le Jura (réglementation la plus tolérante) et Obwald. Le camping y est autorisé pour une nuitée, mais pas pour des groupes. La police tessinoise est la championne dans la traque aux campeurs et aux camping-cars (certainement talonnée par la police grisonne). J’y ai même vu une voiture de police faire une ronde à dix heures du soir dans une aire dévolue au pique-nique. Les mauvaises langues racontent que, dans ce canton, la police est de mèche avec les campings officiels qui désirent faire le plein de nuitées.

Je sais ce qu’on me dira : « ferme ta gueule et va au camping comme tout le monde ». Je veux bien, mais, franchement, il est rare de trouver des campings adaptés aux randonneurs et aux cyclistes en Suisse. Le plus souvent une petite tente y est serrée entre deux caravanes.

Il y a près de vingt ans au Danemark, une liste de terrains pour les marcheurs, cyclistes et kayakeurs était publiée. Le terrain offrait le strict minimum pour une durée maximale de trois jours. Il pouvait s’agir d’un champ uniquement équipé d’une toilette ou d’un grand jardin devant une maison de maître.

Dans les faits, il ne vient à personne l’idée de brandir ces réglementations bien trop compliquées et régionales pour être connues de la population. D’ailleurs personne ne se soucie d’un maraudeur à vélo pour peu qu’il soit un poil discret et respectueux. Mieux, les sportifs sont appréciés et la petite reine aussi (plus encore en Suisse allemande).

Théoriquement défavorisé, le campeur sauvage est de fait avantagé face aux camping-cars. Il dispose d’un choix de bivouacs beaucoup plus élargi. Ses campements sont plus jolis. Il est plus difficilement repérable et peut contourner plus facilement les interdictions.

Ne vous méprenez pas, je ne suis pas aigri. Le camping est un art et slalomer entre les restrictions en fait partie. J’ai déjà campé dans tant d’endroits sans jamais savoir si j’en avais le droit. Cela n’avait guère d’importance, du moment que j’y passais la nuit.

J’aime bien camper en Suisse : sur les crêtes, le long des rivières endiguées, à l’ombre des feuillus de nos lacs, dans les clairières de nos montagnes ou près d’une Feuerstelle (en Suisse alémanique, aire de pique-nique aménagée où du bois est même fourni aux usagers). Les vues sont le plus souvent magnifiques, les passants respectueux et admiratifs, les feux de camp facile à allumer, les emplacements originaux.