Les gens sont si hospitaliers! (Kazakhstan mai 2016)

Une pause déjeuner bien méritée pour d'accueillants routiers!

 

Depuis mon départ d’Aktau sur la mer Caspienne, un bon mois m’avait habitué aux steppes kazakhes. Chaque nouveau croisement était l’occasion d’une partie de poker dont le résultat serait à endurer pendant plusieurs jours. Quelquefois, l’asphalte neuf était contré par un fort vent de face. Ailleurs, des pistes latérales permettaient de longer la chaussée recouverte de nids-de-poule. Cette fois-ci, une petite route bucolique un peu usée s’était transformée, imperceptiblement, en une espèce de trace meurtrie par les années. Le vent, d’ordinaire si dérangeant, avait décidé de ne pas adoucir la chaleur apparue brusquement en cette fin de mois de mai 2016. Les étendues vertes semblaient sans fin et les arbres apparaissaient désormais comme une anomalie, retranchée le long de rares cours d’eau ou d’hésitants villages. Chevaux et chameaux, à l’aise sur ces revêtements sablonneux, se promenaient librement. Çà et là, un éleveur, à moto ou en jeep, jumelles à la main, scrutait l’horizon pendant des heures à la recherche de ses bêtes dans cet univers de steppes semi-arides. 

Invité pour le Beshbarmak, plat traditionnel composé de mouton bouilli et le plus souvent accompagné de nouilles.

L’hospitalité et les signes de sympathie à mon égard se suivaient frénétiquement. Les voitures s’arrêtaient souvent pour me saluer, m’interroger sur mon périple et me donner des victuailles. Photographié un peu partout, par à peu près n’importe qui, ma réputation me précédait, réseaux sociaux aidant. Dans presque chaque village, les curieux s’attroupaient, tous prompts à me prêter main forte. Dans un village accolé aux versants européens des derniers soubresauts de l’Oural, je suis invité à dormir chez Nikolaï se souvenant avoir aidé une famille suisse traversant le pays à cheval en 1987.  Une autre villageoise, se rappelant que Nikolaï ne dispose pas d’eau chaude, vint me chercher en voiture pour me faire bénéficier de sa salle de bain, une large pièce surchauffée par une poêle à bois sur laquelle l’eau bouillait. Elle m’offrit un gros pot de crème fraîche maison et des légumes de son potager.

Une bonne journée à vélo plus loin, j’aperçus une bâtisse un peu à l’écart de la route. A peine avais-je demandé l’autorisation pour camper sur leurs terres que déjà j’étais invité à manger et à dormir avec la joyeuse équipe d’éleveurs dont les familles étaient disséminées dans les villages alentour : « Nous avons des chevaux, des chameaux et des moutons. Nous vendons la viande et la laine mais pas de lait car, à la ferme, nous n’avons pas de  femmes pour traire » me dirent-ils sans aucun signe de misogynie. 

En l'absence de frigo, la viande passe la nuit dehors sous des regards avides. Comment pouvais-je me douter de la tournure qu'allait prendre ma journée?

Le lendemain, la route au milieu des steppes était déserte : deux voitures par heure! A peine parti, je m’aperçois que mes freins arrière frottent sur ma jante gondolante. Je dépose toutes mes précieuses sacoches sur le bord de la route et m’en éloigne pour tenter d’améliorer le réglage. Un homme de la ferme que je venais de quitter me rejoint à moto, furieux: «  pourquoi as-tu laissé tes affaires au bord de la route? La voiture qui vient de passer a tout ramassé ! »

Je reviens à la ferme dépité. Les problèmes du quotidien, comme la réparation de mon vélo paraissent maintenant si futiles. Le motard me rejoint peu après, il n’a pas pu les rattraper : «ce n’est rien de grave me dit celui qui s’était improvisé chef pour l’occasion, nous allons faire des barrages! »

-          Vous allez quoi ? hésitai-je devant cette réplique semblant tout droit sortie d’une mauvaise série américaine.

-          C’est la seule route. A soixante kilomètres, d’ici, il y a une autre ferme, on lui a demandé de bloquer la route. Et si l’éleveur n’arrive pas à les stopper, on téléphonera au prochain village et au besoin à la police de la petite bourgade. Ils ne passeront pas !

La rançon de la gloire!

Les voleurs jetèrent l’éponge dès le premier barrage. Le paysan avait récupéré mes affaires au complet, pris leur numéro de plaque et les avait laissé partir : « Ils étaient deux. Ils se sont arrêtés et ont rendu les affaires sans dire un mot! » Les hommes avaient commencé à fouiller. Chose étonnante, ils n’avaient pas remarqué la grosse poche avec mon passeport, de l’argent et une carte bancaire. Ils avaient perdu leur temps à déballer ma tente et mon sac de couchage, certainement intrigués par des objets si exotiques.

Je repartais le cœur léger conscient d’avoir senti le vent du boulet !!!! 

 

 

 

 

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