Le voyage à vélo continue à travers la Pologne (juin 2015)

Débat politique improvisé à l'heure du goûter...

 

A la frontière austro-allemande, l’ancien poste frontière a été remplacé par un tea-room. C’est un cabinet de vétérinaire qui m’accueille en Pologne.  Je me suis rendu compte que quelque chose avait changé dès mes premiers coups de pédales. Les regards sont différents, plus curieux et moins indifférents. La vie religieuse s’affiche comme une évidence. La signalisation routière est moins présente et les routes régionales  moins bien entretenues; sauf si le fond européen les a métamorphosés en autoroute miniature!

 

 

 

La discussion avec un cycliste fut une bonne récréation... Cet artisan-vendeur me donnera des radis pour la route.

Mes pas me mèneront de surprises en surprises et de rencontres en rencontres. Les questions brèves et précises sur mon voyage se succèdent, la nourriture m’est souvent offerte. Les édifices et monuments religieux en tout genre abondent avec une vitalité et une originalité étonnante.

Atmosphère recueillie et envoûtante

Un autre catholicisme se fait connaître, engagé et accueillant. Les églises sont partout grandes et impérieuses.  Mais le manque de place se fait sentir. Heureusement, les haut-parleurs permettent à tous de suivre la messe  dominicale.

Construction d'une église au milieu de nulle part... Elle sera bientôt pleine!

A Cracovie, partie de polo-vélo en version folklorique

Guidé par mes potes du coin, les villes m’assomment par leur dynamisme et leurs richesses.

 Une nature  douce et englobante m’invite à camper le long d’étangs verdâtres, au milieu de la bruyère parsemée d’arbustes ou dans des forêts de pin du nord.

Lors de mon premier voyage en Pologne, il y a presque dix ans, la langue m’était parue complètement hermétique. Grâce à ma maîtrise (relative) du russe, le polonais est devenu abordable. Je perçois la frontières entre les mots, comprends intuitivement de quoi il s’agit, profite du vocabulaire commun, identifie les verbes, fais de l’humour. Les interactions sont laborieuses mais l’espoir de se comprendre se cache dans les angles et parfois se laisse prendre. 

Magnifique immersion dans la campagne polonaise à la nature douce et à la population accueillante

Souvent, mes haltes de routine se muent en des réjouissances inattendues.

Les tournures incorrectes et nonchalantes avaient tiré les vendeuses du petit magasin de leur monotonie. Mon air perdu les avait confortées dans leur rôle providentiel. Mon vélo et ses bagages les avaient rendues curieuses.

Elles commencèrent par me déconseiller les produits que je demandais pour m’en proposer d’autres qui se révélèrent meilleures.  Les présentations faites, elles m’invitèrent à prendre le  café accompagné de biscuits au fond du magasin à côté de la section des viandes.

Les plaisanteries, dans une langue commune bricolée pour l’occasion se succédèrent : « elle n’est pas mariée, me disaient-elles en pointant la troisième vendeuse du doigt mais elle a déjà un fils presque aussi grand  qu’elle.  A ton retour, repasse par ici et prends-la avec toi en Suisse ! ». « Non !  m’exclamais-je. Elle doit faire 15 000 kms à vélo avec moi pour mériter ça ! » Ses collègues sont prêts à me la livrer. Prise au piège, elle invoque son manque de forme ; ses compères y voient, cependant, une bonne occasion pour maigrir.

Ayant à peine eu le temps de rougir et sourire de mon compliment sur ses formes, les trois vendeuses se souviennent que mon vélo attend devant leur magasin, seul et sans défense, à la merci des rôdeurs. Elles  se précipitent alors vers l’entrée comme une équipe de foot aux prises avec une contre-attaque fulgurante. Elles reviennent rassurées. Rien n’a bougé parce que les choses ne bougent que rarement dans cette petite bourgade. Peu avant mon départ, elles voient en deux jeunes boutonneux venus acheter  des sucreries, les interprètes tant attendus. Leurs espoirs sont vite déçus. A la  mine patibulaire, ils répondent, de façon peu convaincante, qu’ils ne parlent que le polonais et ne connaissent pas la route vers laquelle elles voudraient qu’ils m’aiguillent. « Ah, la nouvelle génération! » m’exclamais-je en russe. Les rires sont vites calmés par la plus âgée qui s’apitoie sur mon triste sort. Le pauvre, s’écrie-t-elle, dans un splendide monologue lancinant et répétitif, tout seul, à vélo, dormant sous tente, avec un sol si dur et des nuits si froides, …

Le magasin va bientôt fermer. Je remercie les trois vendeuses et leur dit que je viens de rencontrer une mère, une amie et ma future femme. Chacune s’y reconnait ! Les adieux se font dans l’allégresse...

 

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